L'heure du cinéma réunionnais ?

Is it the time for Reunionese cinema?

Alors qu'elle a longtemps eu bien du mal à trouver ne serait-ce qu'un peu de place dans l'ombre des ogres hollywoodiens, français ou d'ailleurs, la création cinématographique réunionnaise a récemment eu droit à quelques coups de projecteurs. Et si ces mises en lumière n'étaient pas un épiphénomène mais l'annonce de l'heure venue pour le cinéma local de rayonner sur et en dehors de son île ?

While it has long struggled to find even the smallest space in the shadow of Hollywood, French and other film giants, Reunion Island's cinematic creations have recently been granted some spotlight. What if this attention were not an epiphenomenon but an indication that the time has come for local cinema to shine at home and abroad?

Comme le disait un producteur métropolitain lors du dernier festival du film court de Clermont-Ferrand : « On en a peut-être marre de voir les mêmes histoires de couples qui se disputent dans un appartement parisien ». C'est d'ailleurs dans ce même festival qu'un film réunionnais, Blaké de Vincent Fontano, tout en langue créole, remportera le prix France TV. Tout un symbole, qui suit la présélection aux Césars l'an dernier de Tangente de Julie Jouve et Rida Belghiat, ou la sélection aux Oscars de coproductions réunionnaises en animation, et bien d'autres films encore diffusés à Lussas, au Fespaco et ailleurs dans le monde. Clairement, une porte est ouverte, et il paraît difficile d'imaginer que la poignée ait été actionnée par une main seule.


As a French producer (from the mainland) said at the last Clermont-Ferrand short film festival: "We are perhaps bored with seeing the same old stories about couples arguing in a Parisian flat". It was actually at the same festival that a Reunionese film, Blaké by Vincent Fontano, all in Creole, won the 'France TV' award. Quite symbolic considering last year's nomination of Tangente by Julie Jouve and Rida Belghiat at the Césars, and the selection at the Oscars of Reunionese co-productions in animation, and many other films still being screened at Lussas, Fespaco and elsewhere around the world. Clearly, a door has been opened, and it is difficult to believe that just one hand turned the key.


En attendant l'oscarisation future d'un Cercle des Payet* disparus, d'un Mon voisin Tothoarau ou d'un The Bègue* Lebowski, il est toujours possible d'analyser cet essor actuel par une multitude de facteurs. Tout d'abord, les Réunionnais profitent d'une dynamique plus que positive. La filière s'est structurée, avec aujourd'hui une multiplicité de formations disponibles, la création ou la prise d'ampleur de nombreuses associations dédiées au cinéma, l'organisation de résidences, la tenue de festival, la création de plate-formes SVOD, la disponibilité d'un matériel technique et technologique de qualité. Auparavant, l'essentiel des projets tournés localement venaient de l'extérieur, avec quantité de films « touristiques » prenant place essentiellement en hôtel ou sur la plage, ou dans un hôtel sur la plage. Une phase peut-être nécessaire alors, et qui a permis à de nombreux techniciens locaux d'acquérir l'expérience de « gros » tournages. Mais aujourd'hui, et même s'il y a encore beaucoup de travail à faire, les Réunionnais ont les moyens de se faire des films, et de porter leurs histoires. Et apparemment, les histoires en question intéressent bien au-delà de nos frontières maritimes.


Whilst Reunionese cinema is yet to achieve awards on the scale of Dead Payet* Society, My Neighbor Totoro, or The Begue* Lebowski, there is still much evidence of its increasing success. Most importantly there are fundamental positive developments within the Reunionese film industry: its structural organisation, which now includes a wide variety of training opportunities, the creation or expansion of numerous associations dedicated to cinema, the arrangement of residencies, hosting of festivals, the creation of SVOD platforms and the availability of technical and technological equipment. Previously, most films shot locally were of foreign origin, with many 'tourist' films taking place mainly in hotels or on beaches. Perhaps this was a necessary phase though, allowing local technicians to gain valuable experience of 'big' shoots. Even though there is still a lot of work to be done, today the Reunionese have the means to make films and to share their own stories. And by all accounts these stories are of interest far beyond our shores.


"La Réunion possède toutes ces qualités"


"Reunion Island has just such qualities"


Il faut aussi concevoir que le contexte n'a peut-être jamais été aussi favorable à la valorisation de nos films. Le cinéma actuel, à l'échelle mondiale, donne enfin toute sa valeur aux cinémas des minorités, en miroir aux questions de société d'aujourd'hui. Tout comme il va plus facilement se tourner vers la découverte d'esthétiques nouvelles, différentes des productions américaines, comme en témoignent les succès internationaux récents de films asiatiques, indiens ou africains. Or La Réunion possède toutes ces qualités. A la fois multiple et universelle, Française sans être en France, métissée dans ses couleurs comme dans ses cultures, elle offre une gamme nouvelle de messages, de visages et de décors encore très, trop rarement illustrés sur les écrans. Peu étonnant de constater le changement de comportement de nombre de producteurs venus d'ailleurs qui auparavant venaient seulement tourner leurs films sur l'île, et qui viennent aujourd'hui volontiers les y chercher.

It must also be recognised that there has perhaps never been a more favorable time for the promotion of our films. Today's cinema, on a global scale, finally celebrates minority film, mirroring the issues of today's society. As evidenced by the recent international successes of Asian, Indian or African films, people are increasingly open to discovering new aesthetics which provide a refreshing alternative to American productions. Reunion Island has just such qualities. Both diverse and universal, French without being in France, mixed in its colors and its cultures, it offers a new range of stories, lived experiences, of faces and beautiful landscapes, still too rarely illustrated on screen. It is hardly surprising then to note the change in behavior of a number of foreign producers who previously only came to shoot their own films on the island but who now come looking for inspiration in our island life.

Et si la nouvelle Nouvelle Vague venait de l'Océan indien ?


*Nom de famille fréquent à La Réunion, France

What if the new New Wave came from the Indian Ocean?


*Common surname in Reunion Island, France.

Rédigé par G. Bègue
Traduit par E. Cullender