Paroles paroles paroles


Words, Words, Words, Blah, Blah, Blah

Si le cinéma muet donnait une place limitée aux dialogues, contraint par l'usage des cartons et la réalisation d'intertitres, le cinéma parlant a offert aux auteurs de fiction un outil dont ils ont largement fait usage depuis : la voix. Au point que la notion de cinéma parlant, si classique qu'il n'est plus nécessaire de la préciser, laisse aujourd'hui sa place à un partenaire à la qualification volontiers péjorative : le cinéma bavard.

If silent cinema gave a limited place to dialogue, restricted to the use of film cards and the production of title cards (intertitles), sound film, or talking cinema, offered fiction writers a tool they have used widely ever since: the voice. So much so that the notion of talking cinema, so classic that there is no longer any need to specify it, is stepping aside for a partner with a willingly pejorative name: chatty cinema.

Comment les dialogues sont-ils tombés en disgrâce ?

How did dialogue fall out of favour?

Après la révolution sonore citée ci-dessus, le cinéma a exploité l'art du dialogue sous de multiples formes, et nombre de scénarios proposent un flux continu de bavardages. Si certains genres, comme la comédie de mots (Le Dîner de cons) ou l'enquête, peuvent revendiquer un attrait logique pour les écritures à la loquacité prononcée, il apparaît néanmoins que beaucoup de créations tombent dans la surenchère, au point de créer un certain rejet. Aujourd'hui, il est facile de constater la valorisation dans les festivals de films des productions cinéma plus contemplatives, plus silencieuses, qui vont préférer se tourner vers les nombreux autres outils que le cinéma met à disposition afin d'articuler ce qu'elles ont à dire.

After the sound revolution mentioned above, cinema exploited the art of dialogue in many ways and many scripts offer a continuous flow of chatter. If certain genres, such as a comedy of words (The Dinner Game), or a detective investigation drama logically attract scripts with a certain verboseness, it nevertheless appears that many creations verge on overkill and end up being rejected. Today, it's easy to see the promotion in film festivals of more contemplative, quieter cinema productions, which prefer to use the many other tools at cinema's disposal in order to articulate what they have to say.

Alors, les dialogues sont-ils le problème ? Ce serait oublier qu'il y a encore aujourd'hui bien des exemples de réalisations dont les dialogues ciselés nourrissent l'ensemble de l'histoire. A l'image d'un Tarantino dont les longs-métrages mettent autant en valeur l'action que des répliques animées devenues cultes.

So are dialogues the problem? That would be forgetting that today there are still many examples of achievements whose finely sculpted dialogues actually nourish and strengthen the story. Just like Tarantino, whose feature films highlight the action as much as the script whose lines have gained cult status.

De fait, sont rarement qualifiés de verbiages les scénarios aux dialogues de qualité, quand bien même ceux-ci sont abondants. Est plutôt reprochée l'utilisation, dans un souci de pseudo-réalisme, se voulant conversation du quotidien. Or, le réalisme au cinéma doit rester cinématographique, chargé de sens, nourrissant la narration ou l'évolution d'un personnage, bref, être au service du développement du film. Alors que nos échanges de la vie de tous les jours sont faits de banalités, de politesses inintéressantes, de répétitions et autres bafouilles, qui deviennent assommantes une fois distillées dans les productions cinéma ou à la télévision. McKee ou Truby défendent ainsi l'usage dans la fiction de dialogues qui se doivent d'être, même sous des airs réalistes, nécessairement utiles.


In fact, scripts with quality dialogues are rarely described as verbose, even though they are plentiful. Rather, its use, for the sake of pseudo-realism, is criticised for trying to pass as every day conversation. However, realism in cinema must remain cinematographic, loaded with meaning, nourishing the narration or the evolution of a character, in short, be at the service of the film's development. Whereas, our everyday life exchanges are made up of banalities, uninteresting politeness, repetitions and other babble or waffle, which become boring once distilled in film or television productions. McKee and Truby thus defend, in fiction, the use of dialogues which through necessity have to be useful, even if it seems unrealistic.

Pour s'assurer de cette utilité, il est possible d'analyser les dialogues selon deux aspects, texte, et sous-texte. Le texte correspond à ce qui est dit, la formulation. Le sous-texte correspond à ce que l'on veut dire, l'idée à formuler. Ainsi, se pose d'abord pour l'auteur la question de réaliser ce que le personnage veut dire avant de se demander comment. D'ailleurs, il est souvent constaté qu'un jeu entre texte et sous-texte donne de la saveur aux dialogues. En témoigne le célèbre « Je ne te hais point ». Tout comme le sous-texte permet d'envisager dans le scénario de faire parler son personnage par le non-verbal, et ainsi joindre dès l'écriture le geste à la parole.

To guarantee this usefulness we can analyse dialogues according to text and subtext. The text corresponds to what is said, the wording. The subtext corresponds to what we want to say, the idea we want to formulate. Thus the writer first has to work out what the character wants to say before deciding how. Besides, it can often be observed that playing with text and subtext gives flavour to the dialogues. The famous "I don't hate you at all" is one such example, just as the subtext allows the writer to make his character communicate non verbally, joining movement and gesture to the spoken word through the written word.

Et si un film bavard avait moins quelque chose à dire que des choses intéressantes?

What if a chatty film isn't in fact a film that says a lot, but a film that talks a lot without saying anything?

Rédigé par G. Bègue
Traduit par E. Cullender